Regards sur la collection du Musée des Beaux-Arts à l’occasion de l’exposition “Plis. Art & Textile”

Texte de Julien Foucart – Conservateur du Musée des Beaux-Arts de Tournai

Vue de l’installation de Johan Muyle (Mon Manège à moi c’est toi, 1991-2020, techniques mixtes, Collection Fédération Wallonie – Bruxelles) et son environnement dans le hall du Musée des Beaux-Arts de Tournai
photo : Robin Legge

Partant de la redécouverte d’une œuvre ou d’une thématique, le Musée des Beaux-Arts met en place une nouvelle série d’expositions proposant des regards diversifiés sur sa collection. Nous invitons des auteurs, des créateurs contemporains, des étudiants ou des commissaires d’exposition à raconter une histoire nouvelle du musée.

Johan Muyle & les étudiants de l’atelier « sculpture » de La Cambre.

A l’occasion de l’exposition Plis. Art & textile et de l’installation de l’œuvre Mon Manège à moi c’est toi de Johan Muyle, nous avons invité l’artiste belge, de renommée internationale, et ses étudiants de la section ‘Sculpture’ de La Cambre (Bruxelles) à intervenir dans l’atrium du musée.

Mon Manège à moi c’est toi fait partie d’une série de sculptures d’assemblages réalisée par Johan Muyle au début des années 90.

Mise en mouvement par un mécanisme électrique, elle est la conjonction de représentations issues de cultures : une copie en plâtre d’une tête de déesse antique grecque – référence pour la statuaire de l’art occidental – est complétée d’une large robe qui, par ses tournoiements, fait quant à elle écho à la culture orientale et ses célèbres derviches tourneurs.

Vue de l’installation de Johan Muyle (Mon Manège à moi c’est toi, 1991-2020, techniques mixtes, Collection Fédération Wallonie – Bruxelles)
photo : Benoit Dochy
Installation des étudiants de l’atelier Sculpture de Johan Muyle à La Cambre
photo : Benoit Dochy

Tournant continuellement sur elle-même, jusqu’à l’absurde, cette sculpture hybride et métissée condenserait-elle l’image d’un monde dans lequel différentes cultures veulent cohabiter mais qui pourtant « ne tourne pas rond » ?

L’intitulé de l’œuvre, emprunté à la chanson écrite par Jean Constantin et popularisée par Édith Piaf, explore d’ailleurs ce rapport à l’autre en confrontant à l’échelle planétaire le sentiment amoureux où l’être aimé « fait tourner la tête ».

Tu me fais tourner la tête
Mon manège à moi c’est toi
[…]

On pourrait changer d’planète
Tant qu’j’ai mon coeur près du tien
[…]

Pour qui elle se prend, la terre?
Ma parole y a qu’elle sur Terre
Y a qu’elle pour faire tant de mystères
Mais pour nous il y a pas de problèmes
Car c’est pour la vie qu’on s’aime
Et s’il y avait pas d’vie même
Nous on s’aimerait quand même

Edith Piaf, Mon manège à moi (1958)

Comme son titre l’indique, cette œuvre dynamique est conçue pour entrer en interaction avec le spectateur mais aussi, comme souvent chez l’artiste belge, avec l’environnement qui l’entoure.

C’est ainsi qu’à l’occasion de l’exposition “Plis. Art & textile”, Johan Muyle a repenseé la mise en place de son œuvre au sein du vaste hall du musée, d’ailleurs conçu par Victor Horta pour accueillir la collection de sculptures.

Dans ce contexte et durant un atelier de deux journées en compagnie de ses étudiants de la section Sculpture de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre, ils ont opéré un choix parmi les œuvres en trois dimensions de la collection. L’agencement déroutant qui en résulte montre la face cachée de certaines pièces du musée et invite le visiteur, déambulant dans les espaces, à se créer ses propres associations.

On pourra sans doute percevoir dans ce parcours original, l’idée, chère à Brancusi, que la sculpture doit aspirer à être « une forme en mouvement ». Les œuvres de Guillaume Charlier, Jef Lambeaux, Jacques de Lalaing, Charles Van Der Stappen ou Georges Minne, choisies pour environner l’œuvre animée évoquent en effet le rôle fondamental joué par le pli ou le drapé pour exprimer la vie et défier la condition statique de la statuaire.

Jacques De Lalaing, L’Orateur, étude pour le Monument Jules de Burlet, Bourgmestre de Nivelles, Plâtre, 1899
photo : Benoit Dochy
Bathélémy Frison, Jeune fille au camée, marbre, n.d.
photo : Benoit Dochy

Du peplos (tunique de femme sans manche) de la statuaire antique au pli « à l’infini » de l’art baroque, le drapé fut sans aucun doute une préoccupation majeure pour les artistes qui traduisent sa matérialité tant sur une surface picturale que dans la dureté du marbre.

« Draperie » est d’ailleurs un mot  appartenant au champ lexical de l’art, utilisé pour analyser et identifier les écoles, les styles, les artistes.  Les drapés constituent dès lors un exercice de style mais sont aussi, bien plus qu’un anodin accessoire, un outil expressif pour les artistes.

Exposition / Collection Plis
Musée des Beaux-Arts de Tournai
Rue de l’Enclos Saint-Martin 3
7500 Tournai
https://mba.tournai.be/

Exposition jusqu’au 13 septembre 2020


Réservation en ligne obligatoire : https://mba.tournai.be/reservation