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Interview du jury – Xavier Michel

Plasticien, designer et imprimeur d’art, fondateur du studio de créations imprimées « Au Chiffon d’Encre ».

  • Peux-tu te présenter, ainsi que le travail que tu fais?

Xavier Michel, plasticien, designer et imprimeur d’art fondateur du studio de créations imprimées « Au Chiffon d’Encre ».

Plasticien car j’ai toute une approche et des recherches en art plastique, en travaillant essentiellement sur l’image imprimée sur multiple.

Designer car j’ai une spécialisation en, ce que moi je nommerais, le design imprimé c’est à dire l’intégration au design graphique de tout le matériel lié à l’image imprimée tant ancien qu’actuel et qui est utilisé directement à des fins de conception et non pas à des fins d’exécution. L’idée est de travailler l’image imprimée en tant que moyen à part entière, en tant qu’écriture, en tant qu’élément graphique en tant que tel.

Imprimeur d’art car j’accompagne aussi des projets au niveau artistique pour des designer et des plasticiens ou des particuliers. On réalise ensemble l’impression soit d’œuvre d’art plastique soit des conceptions de design graphique qui demandent un accompagnement.
Le travail de l’image imprimée ce n’est pas que de l’off set, ce n’est pas que du numérique, il y a aussi la typo, la litho, la gravure et d’autres… l’ensemble des médiums peuvent amener quelque chose et un propos cohérent à la recherche du plasticien ou du designer.

L’impression fait partie de l’œuvre.

  • Quel a été ton parcours, tes formations, tes expériences professionnels qui ont mené à ce que tu fais aujourd’hui ?

Depuis que je suis tout petit, je suis intéressé par la science. Quand j’étais en primaire, je voulais devenir paléontologue, j’étais passionné par la préhistoire.

Puis petit à petit, par le biais des hasards, vers 12/13 ans, j’ai commencé à faire de l’ornithologie. En faisant ça, j’ai commencé à dessiner, à croquer des oiseaux. Vers 13/14 ans, très fier de moi, un peu trop sans doute, avec une farde et des planches que j’avais réalisées, j’ai été dans une petite association ornithologique à Bruxelles pour leur présenter mes travaux et demander s’ils avaient besoin de quelqu’un pour illustrer leur revue.
Ils m’ont regardé avec un grand sourire, mais ils ont été très chouette car ils m’ont expliqué qu’il y avait un peintre animalier dans le quartier, Eric Daniels, qui réalisait notamment quelques timbres postes animaliers. J’ai alors commencé à travailler dans son atelier et j’ai appris à peindre des animaux de manière illustrative et scientifique, poil par poil, plume par plume…
C’est comme ça que j’ai commencé à vraiment dessiner.

Pour la petite anecdote, lui-même ne vivait pas de ce travail, c’était juste une passion, il était en réalité inspecteur de police. On avait donc monté un atelier de peinture dans les greniers du commissariat de police à Jette.

J’ai toujours continué l’ornithologie, continué à dessiner des oiseaux et puis vers 18 ans, j’ai été en humanité artistique, à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles avec plein d’illustrations d’oiseaux en tête, mais ça m’a ouvert d’autres portes, un questionnement, un cheminement et j’y ai rencontré des profs très intéressants qui m’ont permis de me développer.

Parmi ces rencontres, il y en a une qui m’a marquée particulièrement, avec mon professeur de dessin en humanité, Roger Dewint. A la fin de mes humanités artistiques, j’hésitais entre le dessin ou la peinture monumentale, car le travail en très grand format m’intéressait énormément.

A la fin de mes humanités, je suis allé voir Roger Dewint en lui faisant part de mon hésitation, il m’a répondu « Viens à mon cours de gravure qui pourrait répondre à cette double envie car il y a un rapport au trait comme dans le dessin, sauf qu’on appelle ça une taille, et pour le rapport à la couleur et au grand format de la peinture monumentale, cela peut aussi se retrouver en gravure ».

Et donc je me retrouve dans cet atelier de gravure pour faire mes supérieures artistiques en ne sachant absolument pas ce que c’était que la gravure. Et quelque part j’en suis très content, car c’était justement ça qui m’intéressait plus, de découvrir cette nouvelle technique et pouvoir me réapproprier ce médium.

Donc j’ai fini mes études artistiques en gravure, lithographie et image imprimée.

En même temps qu’en étant étudiant à l’académie, je faisais des cours du soir en sculpture car le volume m’intéressait aussi énormément.

Je faisais aussi des cours du soir en infographie (premier cours du soir en infographie à Saint Luc à Bruxelles) pendant 2 ans. Par contre, je n’aimais pas les claviers d’ordinateur car il me manquait le travail de la matière par rapport à la gravure et la sculpture.
J’ai mis ça pour un temps entre parenthèse.

Premier job, je travaillais pour une société d’étude ornithologique et je faisais de l’animation nature et de la conception graphique : panneaux didactiques, feuilles de publications, revue de vulgarisation scientifique.

Puis, j’ai obtenu un poste d’assistant à l’Académie de Bruxelles pour le cours de gravure et image imprimée et parallèlement à ça je donnais des cours du soir à l’institut La Parure à Bruxelles en gravure – bijouterie (graveur buriniste).

J’ai aussi donné cours à l’Académie de Woluwe en gravure-lithographie.

Et puis je suis devenu titulaire en gravure à l’Académie de Bruxelles pendant de nombreuses années.

Et enfin, je suis passé à autre chose, pour créer la structure, Au Chiffon d’encre, atelier multidisciplinaire consacré à l’image imprimée.
Ce qui passe à l’atelier va de l’accompagnement de projet artistique pour des expo pour des musées, en passant par la réalisation de cartes de visite, conception graphique de logo et d’identité visuelle axée au niveau du print et aussi des livres d’artistes, des livres-objets, des boitiers cd collector…

La démarche plastique m’amène à la réflexion dans mes conceptions graphiques : qu’est-ce qu’une ligne, un trait, un pli, une charnière, une taille, une trame, un pixel et leurs différentes fonctions. Tout s’hybride et se mélange.

C’est important d’avoir une partie travail en tant que plasticien et une partie travail en tant que designer car l’un questionne l’autre.

  • Quel lien entretiens-tu avec les artistes, est-ce qu’on peut parler d’une création commune d’une œuvre ?

J’utilise souvent le terme : « à main multiple ».

Je suis très attaché à la pédagogie, quand on enseigne : c’est un échange, on transmet quelque chose mais on en reçoit également.

Lors de travaux avec un plasticien ou un designer, c’est pareil. Ils arrivent souvent à l’atelier en demandant si l’on peut « reproduire » leur création. Mon travail consiste à les accompagner. On requestionne le projet, on remet en question la démarche, c’est là que les déplacements s’opèrent. Il y a vraiment un échange.

Même si c’est imprimer pour quelqu’un, en réalité il y a un dialogue très riche.

Cette relation n’est pas neuve : Déjà, Félicien Rops entretenait une relation particulière avec son imprimeur pour « Pornocratès ».

Par exemple, avec un groupe de musique : j’avais reçu toutes les bandes sons d’un côté, tous les textes d’un autre, et puis on amène des propositions qui doivent être cohérente entre propos, médium, support d’impression pour que tout cela s’articule.

  • Tu as un atelier très particulier, avec pas mal d’anciennes machines. Quelles différentes techniques utilises-tu ?

La particularité de l’atelier, c’est que les presses d’imprimerie sont directement dans l’atelier et donc on ne travaille pas que via l’ordinateur, on peut expérimenter directement les impressions sur les presses.

On peut prendre les caractères de plombs, un morceau de bois ou de métal et graver dedans, on imprime et on voit directement ce que ça donne. On prend une prise de vue, on rescanne, on retravaille de manière numérique, ça va générer une nouvelle matrice, et ainsi de suite, le travail évolue au gré des recherches. Pour moi, les presses d’imprimerie ne sont pas que des machines de (re)production, ce sont surtout des outils qui contribuent à la création, à des écritures singulières. Ce sont ni plus ni moins de gros crayon ou de gros pinceaux au service de la création.

Le processus de l’image imprimée arrive donc dès le départ dans le processus de création.

La presse typo me tient à cœur, car j’ai l’impression que c’est un peu le tout chemin de l’image imprimée, on peut travailler sur la pression, travailler à l’encre et amener les questions de superposition, d’opacité, de transparence, on peut travailler sur plein de supports papier différents, qui réagissent de manières différentes.

Une autre presse typo de l’atelier est équipée d’un groupe de marquage à chaud monté dessus ce qui permet de faire tout ce qui est dorure holographique, impression métallique…
Les films holographiques sont beaucoup utilisés pour tout ce qui est sécurisation de document, éviter la falsification de document, je travaille aussi sur ça.

Sur les presses typo on sait aussi faire tout ce qui est travail de découpe à la forme et tout ce qui est travail de plis.

Les plasticiens découvrent ces différents matériaux et les requestionnent aussi. On va amener une autre dimension encore, comment les utiliser à des fins graphiques.

Ici je travaille avec une presse Heidelberg, une platine Heidelberg et une presse à épreuve FAG.

Les connaissances des procédés anciens permettent de questionner les procédés actuels, et la connaissance des procédés contemporains permet de remettre en question les procédés anciens. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas une forme de nostalgie par rapport aux procédés anciens, mais qu’est-ce qu’on fait avec ces outils. Comprendre le fonctionnement de chaque machine pour pouvoir en repousser les limites et en expérimenter toutes les possibilités.

  • Sur quels projets travailles-tu actuellement ?

Durant cette période de confinement, nous avons travaillé à plusieurs avec Olivier Deprez (qui travaille le bois gravé et possède un atelier mobile), Roby Comblain (plasticien et il imprime de la xylogravure, impression relief sur presse eau forte) et moi-même pour monter une structure commune, qui s’appelle « multiple de 3 ».

Nous avons chacun des questionnements différents par rapport à l’image imprimée c’est ça qui était intéressant à rassembler.  Nous avons notamment la volonté de mettre en place la possibilité d’organiser des expositions. Nous avons créé un site internet, en éternel développement, qui permet notamment la vente d’œuvre en passant par l’édition à venir d’un essai (philosophie de l’art) tout en y intégrant la revue « HOLZ » (Olivier Deprez / Roby Comblain) au projet.

J’ai également un projet d’édition de livre-objet, avec Blaise Dehon qui est illustrateur et qui travaille notamment pour la Libre Belgique.
Un travail sur un élément narratif qui se passe dans les années 50-60 en Afrique centrale.

  • Pour toi, quelles caractéristiques, quelles contraintes et quelles libertés offre le format de l’affiche ?

Qu’est-ce que quelque chose de grand ? Qu’est-ce que quelque chose de petit ?

Certes il y a le format, mais selon la façon dont on dispose les éléments, dont on forme la composition et bien on peut donner une sensation de grandeur sur une pièce qui est toute petite, et une sensation de petitesse dans un format très grand.

Avec une affiche, on se retrouve généralement avec des dimensions importantes et pour l’articuler tout dépend du message qu’on veut faire passer, de ce qu’on veut ou doit faire dire à l’affiche.

Je trouve que c’est source de questionnement sur comment l’affiche est-elle mise dans l’espace, à quel environnement est-elle destinée : sur un mur, dans un abribus avec rétroéclairage ?
Par exemple, que va amener ce rétroéclairage ? Normalement une affiche, c’est juste un recto, mais en même temps si elle est pliée, ça peut devenir encore autre chose, il peut y avoir une information au dos, si on travaille avec un rétroéclairage cette information au dos peut transparaitre, cela peut être intéressant aussi…

Souvent l’affiche répond à une commande et il est intéressant de constater qu’au plus il y a des contraintes, au plus on peut imaginer de s’en échapper. Ce qui m’intéresse c’est de voir comment on réagit à une contrainte, quelles sont les échappatoires qu’on peut trouver face à ces contraintes. Les stratégies qu’on peut mettre en place pour zigzaguer face à une contrainte. Comment on interprète la commande, comme la transformer, prendre de la distance, de la liberté.

Questions / Réponses

  • Un mot pour définir ton travail?

Multiple

  • Un mot pour définir de design graphique

Propos(er)

  • Un artiste qui t’inspire

La musique, le son m’inspirent fortement. Là, maintenant : Underviewer (groupe pour lequel j’ai créé et imprimé sur presse typo une pochette d’album). C’est un groupe composé par Patrick Codenys et Jean-Luc De Meyer, tous deux membres de Front 242, un groupe que j’écoute depuis que je suis ado.

  • Une oeuvre que tu gardes en mémoire

Pour l’émotion qu’elle m’a procuré : les Nymphéas de Monet à l’Orangerie.

  • Un lieu important pour toi

Etre dehors.

Interview du jury – Bruno Robbe

Editeur

  • Peux-tu nous parler de ton parcours personnel (études, famille,… )

J’ai étudié au Carré des arts à Mons et dans l’atelier de mon grand-père Arthur Robbe. J’ai également fréquenté quelques ateliers à Paris, au Québec, en Italie et dans le sud de la France. 

  • Ton atelier à Frameries est devenu un lieu incontournable pour beaucoup d’artistes belges et étrangers, présente-nous ton travail dans la lithographie, ta maison d’édition, tes projets actuels et à venir.

Depuis 1996, j’ai repris la succession de l’atelier de mon grand-père Arthur Robbe en perpétuant les techniques de la lithographie et de l’estampe en général en y introduisant des moyens plus contemporains comme l’alugraphie et l’impression pigmentaire.

J’y accueille de nombreux artistes belges et étrangers tels que Adel Abdessemed, Priscilla Beccari, Charley Case, Jacques Charlier, Edith Dekindt, Perter Downsbrough, Luciano Fabro, Michel François, Ann Veronica Janssens, Walter Swennen, Lawrence Weiner, pour n’en citer que quelques-uns. Ils viennent y travailler pour des galeries, musées ou pour mes propres éditions.

En ce moment, je suis occupé à préparer de nouveaux projets avec François Curlet et le guitariste Rodolphe Burger, avec Raphaël Decoster et Emilio Lopez Menchero. Matt Mullican est aussi venu récemment réaliser une estampe dans le cadre de son exposition monographique au Mac’s.

Nous sommes également occupés à revoir les espaces de l’atelier, en vue d’agrandir les lieux pour accueillir de nouvelles techniques, accueillir des expositions et pouvoir loger les artistes. L’ouverture de cet espace est prévue pour septembre prochain.

  • Peux-tu nous présenter en quelques mots la technique de la lithographie : caractéristiques, pratiques, particularités, temporalité…

La lithographie est une technique mise au point il y a deux siècles. Elle est basée sur le principe de répulsion du gras et de l’eau. L’artiste réalise directement à même la pierre un dessin à l’aide d’une encre grasse.

Ce dessin pourra ensuite être imprimé sur le papier, en plusieurs exemplaires et avec le respect de toutes les valeurs et densités que le dessin comporte.

Cette technique est toujours très précieuse pour les propriétés singulières qu’elle présente, comme la grande subtilité des matières et la profondeur des couleurs.

  • Quels liens entretiens-tu avec les artistes qui passent par ton atelier ?

Le travail avec les artistes nécessite une grande complicité et une compréhension de leur travail. Il s’agit non seulement de respecter au mieux leurs exigences par rapport à une technique parfois nouvelle pour eux mais aussi d’interpréter au mieux la sensibilité et les intentions que représentent leur travail.

  • Pour faire le lien avec notre exposition « Posters Now ? », selon toi quelle place, quelles caractéristiques, quelles libertés ou contraintes peut avoir le format de l’affiche dans le travail d’un artiste, d’un graphiste ?

L’affiche est un support très particulier en matière de création. Elle représente un espace dans lequel l’artiste va s’exprimer en vue de communiquer et de faire passer une intention qui doit être lue et vue de manière évidente. Pour cela interviennent la qualité et la pertinence de l’idée et du dessin, le choix judicieux de la typographie et la qualité d’exécution lors de l’impression.

Questions/Réponses

  • Un mot pour définir ton travail ? 

La rencontre

  • Un mot pour définir de design graphique ?

Pertinent

  • Un artiste qui t’inspire ? 

Il y en a énormément mais pour tenter de répondre à la question et rester dans l’univers de l’atelier, je dirais celui avec qui je travaille au moment présent.

  • Une œuvre que tu gardes en mémoire ?

Là aussi, c’est très difficile de choisir. Je suis tellement entouré d’œuvres. Cela dépend de mon humeur, de mes recherches et des préoccupations du moment. Je pense cependant à la toute première commande qui me fût confiée à la reprise de l’atelier. Il s’agissait d’un travail pour l’artiste anglais David Tremlett. L’estampe était constituée d’une vingtaine de passages couleurs. Un véritable chalenge à mener dans un délai assez serré. J’y ai passé quelques nuits blanches, avec une multitude d’interrogations et face à une machine que je ne connaissais pas encore bien. Je me souviens que j’étais obsédé par ce défi qui fût heureusement une très belle réussite. Tremlett était enchanté et cette aventure m’aura sans doute encouragé pour toutes les autres rencontres à venir.

  • Un lieu important pour toi ? 

Pour rester purement dans le contexte de mon travail, je dirais la cuisine de mon atelier. C’est un endroit où les journées démarrent, où les projets se mettent en place et un lieu de réjouissance une fois le travail bien accompli.

https://www.brunorobbe.com/

Interview du jury – Camille Nicolle

Artiste, graphiste

  • Peux-tu nous raconter ton parcours personnel, ta formation et comment es-tu arrivée à Tournai ?

Je suis née en Bourgogne.

J’ai, d’abord, fait un bac économique et social à Lyon, puis durant 3 ans, une école d’arts appliqués (qui a fusionné en cours de route avec l’Ecole Nationale des Beaux-Arts) en graphisme et typographie.

Pendant que j’étais à l’école, j’ai fait plusieurs stages dans des maisons d’édition. J’étais déjà très intéressée par le graphisme et le livre.

J’ai effectué un stage aux éditions Esperluète, du côté de Namur et puis à la 5ème Couche à Bruxelles, chez Drozophile à Genève. J’ai également fait un stage au studio Folimage à Valence, un studio d’animation. J’étais curieuse de découvrir les rouages, la fabrique.

J’ai découvert les éditions Esperluète dans un salon du livre. Leurs livres m’ont touché tant par leurs formes que par leurs contenus. En 2005, je leur ai donc proposé ma candidature pour effectuer un stage chez eux.

Comme on s’est bien entendu, Anne Leloup, la directrice m’a proposé de terminer ma formation et de m’embaucher. Je me suis donc installée à Bruxelles et j’ai commencé par travailler un jour par semaine là-bas, puis à mi-temps, pendant cinq ans.

Pendant l’autre mi-temps, j’ai repris une formation à l’Académie Royale des Beaux-Arts à Bruxelles en illustration, pour travailler le rapport texte/image. Pas seulement la forme, mais aussi et d’abord : la narration. Une image oui, mais pourquoi ? Qu’est-ce que je raconte ? Comment ? L’apprentissage fut passionnant.

Puis, après sept années à Bruxelles, je me suis mise à rêver d’espace, d’atelier collectif, de résidence, d’aller voir ailleurs… Une résidence en Equateur, une autre dans le Morvan en France et je démissionne des éditions Esperluète.

Je reprends une formation aux Arts Décoratifs à Strasbourg, pendant un an, une semaine par mois. Le reste du temps, j’étais en résidence en Bourgogne.
C’était au « Centre de Formation pour Plasticiens Intervenants » : on y aborde des questions de pédagogie, de création, d’atelier, pour arriver à transmettre notre démarche de travail à un public. C’était riche de rencontres, de partages d’expériences. Nous étions une dizaine à suivre la formation, tout âges et disciplines confondus, avec des trajectoires très différentes. Philosophes, psychologues, artistes venaient parler des publics, de leurs démarches. Ça m’a amené à avoir une réflexion sur ma pratique, à mieux voir comment je la partage avec d’autres, à recontextualiser mon travail dans une histoire.

Après ça, je rêvais toujours d’un grand atelier pour imprimer, dessiner… C’est comme ça que je suis arrivée dans le Hainaut, dans une ferme, avec deux amis, puis trois et quatre.
Deux ans après, on a rendu les clés et depuis lors, je suis ici, à Tournai, le long de l’Escaut, dans mon atelier, qui est aussi mon logement.

Aujourd’hui, je partage mon temps entre graphisme, illustration, écriture, scénographie et des ateliers de temps en temps.

  • Sur quoi travailles-tu en ce moment, quels sont tes projets à venir ?

En ce moment, c’est quand même vraiment spécial. Pendant le 1er confinement, ce n’était pas facile, mais c’était clair :  tout était à l’arrêt. En même temps, j’avais la chance d’être dans mon atelier.

Mais maintenant, ça reprend vaguement, ça hésite… Trois pas en avant, un en arrière. Ça me donne la sensation (pas très agréable) d’être suspendue et de ne pas avoir beaucoup de prises.

En tout cas, je me rends vraiment compte que c’est important pour moi de construire des projets avec d’autres, d’échanger différentes manières de voir, de découvrir d’autres façons de faire. Sortir de l’atelier pour mieux y revenir. C’est ce qui me donne de l’élan.

Concrètement, je passe du temps, à développer ou transformer des projets qui auraient dû avoir lieu au printemps, qui ont été annulés puis postposés, puis annulés à nouveau.

Je co-organise, avec Hugo Fontaine, un festival de poésie, « Poésie Moteur » dont c’est la quatrième édition cette année. Je conçois la programmation avec Hugo et puis je m’occupe de tout ce qui est communication (papier) et d’une petite librairie. Nous avons dû transformer le projet qui avant se tenait durant deux jours à Vitrine Fraiche dans le piétonnier. Cette année ce sera 4 samedis, un samedi par mois, avec une jauge de 50 personnes.

D’autre part, je suis en train de concevoir une série d’ateliers autour du tricentenaire de la découverte du charbon pour Le Quartier, centre des arts plastiques à Fresnes-sur-Escaut, à côté de Valenciennes. Dans ce cadre je m’intéresse au sol et au sous-sol. Là où nous posons nos pieds chaque jour sans y prêter attention. J’ai envie d’explorer différentes matières. Je me documente au centre minier à Lewarde. Ce projet aussi a changé de forme. Une exposition aura lieu au mois de janvier avec Marie Garde, amie designer textile et sérigraphe, à Lille.

Je travaille également sur trois projets de livres :

  • Un album pour les petits, un jeu d’équilibre, des objets qui s’empilent et qui tombent au fil des pages, sans texte.
  • Un livre avec Françoise Lison-Leroy, qui a écrit des poèmes-toupie. Je tourne autour.
  • Un livre avec Laurence Vielle. C’est quand les enfants dorment…

J’ai exposé au centre de la gravure à La Louvière jusqu’au mois de novembre. Dans le cadre de l’exposition Tralala L’Art, j’ai conçu « Super Chemin », un jeu de pistes constitué de 535 pièces en bois, caoutchouc, mousse, plexiglas… En équipage avec Fredéric Degand, Dominique Henrion et le Fablab Wapi.

  • On constate qu’il y a souvent un rapport à l’espace dans tes travaux. Joue-t-il un rôle primordial pour toi ?

Oui, il a une grande importance. Que ce soit l’espace de l’atelier, son aménagement, ses circulations, l’espace de la page, l’espace-temps qu’ouvre l’objet livre, l’espace qui m’entoure…

La découverte d’une veine de charbon il y a 300 ans m’intéresse beaucoup pour ces raisons-là aussi : parce qu’elle révèle tout un espace invisible à nos yeux. « Le réel est épais, à qui veut bien lui donner toute son attention. »

Dessiner avec du charbon, récolter différentes matières de sols, creuser, voir comment les matières s’extraient, se transforment, se trient… Toutes ces actions et observations vont amener des images ou des formes en interaction direct avec l’environnement minier.

Je suis toujours entre l’atelier et le dehors, même si malheureusement cette période le permet moins.

  • Intersections réalise cette année une exposition d’affiches, Posters Now. Pour toi, quelles caractéristiques ce format présente-t-il ? Quelles contraintes impose-t-il ? Quelles libertés propose-t-il ?

Une bonne affiche attrape le regard. Une toute petite chose dans un grand espace blanc peut nous appeler, justement parce qu’elle va contraster avec la profusion d’images que nous voyons tous les jours dans la rue ou sur nos écrans. Pas la peine de crier.

J’aime l’idée qu’une image soit vue dans la rue, au hasard. Je rêve d’affiches-appel d’air, qui nous questionnent, qui ouvrent les fenêtres et le dialogue… Je rêve de tableaux dans les abris bus, de ciel étoilé sur nos trottoirs, plutôt que KFC ou Land Rover.

Quand je réalise une affiche, le dessin est au cœur, la peinture, la main, le geste, la matière… Peut-être pour aller à rebours de ces images hyper lisses qui nous assaillent de toutes parts. 

Je laisse aussi, souvent, beaucoup de blanc dans mes images. Parce que c’est de l’espace, de l’air ou du silence et je trouve que l’on en manque. Et aussi, cet espace « vide », c’est aussi l’espace du regardeur.

Hier, j’entendais à la radio : « A toi, appartient le regard et […] la liaison infinie entre les choses. »

Je travaille rarement en quadrichromie, plus souvent en tons directs, car j’aime les couleurs, leurs éclats, leurs vibrations. C’est comme ça que j’accorde une grande attention à l’impression, au papier.
Faire une affiche est un travail d’équipe.

Une autre chose qui donne du sens, une fois que l’affiche est imprimée c’est l’endroit où elle va être collée, épinglée, placardée, encadrée, projetée… C’est aussi le contexte qui fait l’impact de l’image.

A Tournai, il y aurait un travail intéressant à faire pour réfléchir, développer, créer un mobilier urbain d’affichage public… ça manque.

Questions/Réponses

  • Un mot pour définir ton travail

Curiosité

  • Un mot pour définir le design graphique

Echanger

  • Un artiste qui t’inspire

Bruno Munari

  • Une œuvre que tu gardes en mémoire

« Bestias » de la compagnie Baro D’evel

  • Un lieu important pour toi

Les carrières à Tournai

camillenicolle.org

Fontenoy présentée par Daniel Locus

Fontenoy – Daniel Locus

Daniel Locus, photographe et vidéaste, a participé à la première édition d’Intersections en 2019. Il a fait don à l’asbl d’une de ses oeuvres, “Fontenoy” qui est actuellement présentée au Musée de Folklore et des Imaginaires.

L’artiste nous présente son oeuvre dans une interview.

Peux-tu nous parler de ta démarche dans ce travail de photographies verbales ? Pourquoi mêler l’image et le verbe/le mot ?

Ce travail, histoire d’Histoires, est l‘instantané à un moment x d’une réflexion au long terme sur la portée de l’image.  Le statut incertain de celle-ci, sa prolifération “informative“ mais aussi normative m’interpelle de longue date.

L’image dit tout et son contraire: selon le contexte, en séquence, illustration, images “choc“ en une. Elle séduit, explicite, veut narrer, ou laissée à elle seule se veut objective face au spectateur/consommateur.

Comment est née la série « hors de l’histoire » présentant le nom d’une ville au centre d’un paysage flou ?

J’ai voulu superposer une apparente sobriété, image neutre, floue, urbaine ou champêtre au graph incisif du mot, des noms de lieux inconnus à la présence ambiguë ou lourds de leur passé et chargés da violence, et par la suite de figures proposées, interroger le  regardeur sur sa perception de l’histoire au travers de ces noms.

Cette œuvre est fictionnelle : les lieux ne sont aucunement certifiés authentiques, le mot seul y apporte un semblant de vérité.

Spécifiquement sur la photo Fontenoy : comment est venue l’idée de ce sujet ? En quoi est-ce important de créer une telle photo dans le contexte d’Intersections ?

Fontenoy s’est imposé comme un jalon de cette cartographie particulière, banlieue de Tournai, témoin oublié d’un mortel face-à-face militaire. Cette inclusion dans le projet avait tout son sens à la fois clin d’œil à la ville qui m’accueillait et sujet de réflexion pour les visiteurs par la juxtaposition de noms comme Dresde, Bellewaerde, Sakiet Sidi Youssef.

Cette photo est aujourd’hui exposée au Musée de Folklore grâce à ton don à l’asbl Intersections : Quel est ton sentiment de retrouver ta photographie plutôt « minimaliste » et contemporaine dans le musée de Folklore et des Imaginaires ?

L’Histoire est trop souvent dissociée de la petite histoire, l’art de la guerre de la vie des hommes dont sont faites les armées, la victoire de la boucherie humaine sous-jacente. La présence de cette œuvre est une tentative de mettre l’Histoire au niveau de sa composante humaine essentielle qu’est l’homme et de poser des questions fondamentales sur l’usage étatique de la violence.

Un essai de renvoyer dos à dos l’Histoire et son récit officiel.

La pandémie au musée ?

La pandémie de Covid19 impacte de façon inédite notre mode de vie depuis plusieurs mois : confinement, distanciation sociale, règles sanitaires à respectées, fermeture de lieux de vie sociale, réouverture sous condition, lavage des mains, port du masque…

Les musées ont évidemment également beaucoup souffert, mais il se pourrait qu’il devienne aussi les lieux de mémoire de cette situation “historique”. Certains musées, comme le Mucem à Marseille ou le musée de la Ville de New York, s’attachent désormais à collecter des témoignages, tant oraux que matériels, afin de réunir tout ce qui symbolise “la vie au temps du Covid19”.

Pour plus de détails, nous vous recommandons cet article paru sur Slate.fr

A Tournai aussi, le Musée de Folklore et des Imaginaires s’est penché sur la crise sanitaire et à inviter les citoyens à envoyer les masques qu’ils avaient confectionnés eux-même. Une initiative originale qui nous est expliquée par Jacky Legge, chargé de la mise en conformité du MuFIm.

Le coronavirus a complètement gelé la vie du Musée de Folklore et des Imaginaires, avec la fermeture des portes, du 14 mars au 14 juin, ainsi que la mise à l’arrêt du personnel d’accueil et de gardiennage. Bien plus, c’est quasi toute l’économie du pays qui a été suspendue. Les relations familiales, amicales, professionnelles ont dû être entretenues avec des mesures de distanciation. Du jamais connu. Du jamais vécu.

Très vite, on s’est dit au musée qu’il fallait garder une trace tangible de cette révolution, d’autant qu’on ne perçoit pas encore les effets à court, moyen et long terme de cette pandémie.

Des démarches sont entreprises pour solliciter des personnes qui, dans l’urgence, fabriquent artisanalement des masques afin qu’elles offrent un ou plusieurs exemplaires de leur production originale.

La description des masques a été encodée dans le nouvel inventaire électronique du musée mis en ligne grâce à Proscitec.

Mais il s’agit aussi de les rendre visibles au sein des collections. C’est Christopher, jeune gardien, qui suggère de masquer les visages des mannequins. Aussitôt dit, aussitôt fait, avec l’aide de Cyrielle, autre jeune gardienne arrivée récemment dans l’équipe.

C’est ainsi que, le 28 juin, Gramère Cucu se retrouve avec un masque confectionné dans un ancien fanion orné de la cathédrale et cousu sur un morceau de sac en tissu avec le graphisme de Denis Meyers. 

Des masques réalisés avec des tissus aux motifs en forme de crâne sont passés sur le visage du tisserand et du fabricant de bas. Le cabaretier est équipé du masque rouge distribué à Brunehaut.

Sensible à cette idée, le bourgmestre transmet le masque que lui a confectionné une de ses deux filles. Il est orné d’une étoile caractéristique de shérif, en référence à l’un de ses surnoms familiers.

Jacky Legge, chargé de la mise en conformité du MuFIm.

“Enseigne” de Dany Danino

Lors de la première édition de la Triennale d’art contemporain de Tournai, INTERSECTIONS, Dany Danino a réalisé l’oeuvre “Enseigne”, présentée sur le mur d’entrée du Musée de Folklore et des Imaginaires. Cette installation urbaine pérenne est composée de nombreux dessins rappelant des éléments emblématiques de la “cité des 5 clochers” et des objets des collections du musée.

L’artiste nous parle de son oeuvre, de sa technique et de ses inspirations.

Dany Danino “Enseigne”, 2019 – Sur le mur d’entrée du musée de Folkore et des Imaginaires
Photo : Shot and Spicy photography

L’œuvre « Enseigne » est réalisée sur de la porcelaine. Comment appréhender ce support, a-t-il changé quelque chose dans la conception de cette œuvre, a-t-il induit certaines choses ?

La porcelaine s’est imposée naturellement pour la création de ce travail. C’est un vieux rêve qui trouve sa source dans l’esprit des Azulejos du Portugal. Ces faïences me fascinent de par leur coté dense et baroque. Composées de volutes d’azur, elles évoquent l’humanité et son mouvement perpétuel et insondable. La Chapelle des Âmes à Porto ouvrant ses façades, telle un livre au passant, en est l’exemple le plus emblématique à mes yeux.

Ces carreaux de céramique imprègnent mon imaginaire plastique d’inspirations fécondes et répondent à une sublimation poétique.

Sous un angle plus pragmatique, la réalisation d’une faïence nécessite d’en comprendre les enjeux et spécificités matérielles afin de les questionner durant le processus technique.

C’est une connaissance en soi qu’il faut assimiler afin d’en saisir ensuite la résultante plastique. Il en va de même pour toutes les techniques dont j’use (dessin, gravure, lithographie, sérigraphie, peinture, …) et des matériaux qui les caractérisent (stylobille, pastel, aquarelle, encre, huile, …).

Toutes ces techniques, travaillées sur des supports très variés, donnent lieu à des actes de la main hybrides.

Dany Danino “Enseigne”, 2019
Photo : Shot and Spicy photography

L’une des caractéristiques de votre travail est superposition des références, la répétition des motifs
Cette profusion d’images mises ensemble ne permet-elle pas de partir du particulier (ici le folklore de Tournai) pour se perdre dans le général (notre imaginaire collectif) ?
 

J’affectionne les figures qui se complètent, s’additionnent, se saturent, se traversent, se transpercent, appelant un certain enlisement de l’image. La contamination répétitive de la figure peut être réelle ou s’amalgamer tel un phasme jusqu’à devenir in/forme. La distance joue aussi son rôle.

A proximité, certaines choses sont reconnaissables ou à contrario méconnaissables. Le support est permutable, visible sur chacun de ses côtés. La limite entre figuration ou abstraction est fictive : cette détermination ne m’intéresse pas. La facture se matérialise à l’endroit où l’œil parvient non pas à décrire mais à formuler une partition de signes.

En ce sens, la démultiplication des techniques me fascine, tout comme celle des images. Ma curiosité n’a pas de limite par rapport à ce que la main sait et peut restituer. La question des savoir-faire dits « traditionnels » et de leur prolongation est plus que jamais d’actualité.

L’artiste du présent est celui qui poursuit une pratique dans la pleine conscience de l’instant. L’imagier graphique qui jalonne l’œuvre « Enseigne » qui se situe au coin de la rue du Musée du Folklore et des Imaginaires de Tournai est un écho direct au musée et à sa ville. On peut y découvrir : des crânes, des crucifix, la cathédrale, une reproduction du duc d’Egmond de Gallait, des masques du folklore tournaisien, un réverbère, un vierge à l’enfant, des mannequins articulés, … et ce dans une scénographie digne d’une carte heuristique.

A l’extérieur, ces thèmes sont peints sur des carreaux de céramique découpée au format d’un calice de Vauban. Du centre de l’œuvre s’excentre un éclat, un rayonnement qui ouvre la composition vers l’extérieur. Dans l’espace public, la faïence « Enseigne» sur l’intime mémoire humaine conservée.

Dany Danino “Enseigne”, 2019
Photo : Shot and Spicy photography

Présenter une œuvre dans la rue, c’est la sortir de son environnement habituel, ce qui a été le leitmotiv de la première édition d’Intersections, comment avez-vous appréhendé cela ?

La liberté et la palette d’expression qu’« Intersections » m’a permis de mettre en œuvre constituent sans nul doute son point fort. C’est une expérience assez unique dans une vie que de pouvoir sortir d’un espace de galerie, habituellement plus diaphane, et de répondre à 10 lieux divers simultanément.

Ce sont finalement des partitions hétéroclites. Dans chaque espace, un dialogue s’est construit avec le bâtiment, le conservateur et la collection.  Il s’agissait aux Beaux-Arts, au Musée du Folklore et au Musée des Sciences Naturelles de devenir un caméléon, de s’intégrer dans les collections comme si nous avions toujours été là.

Les dispositifs dans ces trois cas utilisaient la structure possible et existante, tout en investiguant l’identité du lieu. Au Tamat et à l’Office du Tourisme, le dispositif était plus proche d’un accrochage dans une gallerie : comment envisager une succession d’images de manière plastico-conceptuelle ? L’église Saint-Jacques est la cerise sur le gâteau, un défi sans mesure, où la répartie monumentale d’un Christ suspendu horizontalement en 3 vélums est en soi la recherche d’un absolu.

Il me semble avec le recul que le parcours et la rencontre sociale et culturelle de tout un chacun avec ces ouvrages in situ fut L’occasion unique d’un parcours initiatique en soi. En ce sens, l’œuvre « Enseigne », située dans l’espace publique de façon définitive, reste à l’épreuve du regardeur au fur et à mesure du temps et des saisons.

Elle constitue aussi une trace immémoriale de la première triennale.